Samedi 12 décembre, la traversée du Canal de Suez

 

Ce matin, ou cette nuit, je ne sais pas trop je me suis endormie tard, le bateau donne des coups de sirène. Pas de quoi sursauter, je continue même à dormir, dans mon rêve, je me réveille et on passe le canal de Suez facon écluse, avec une arrivée dans une mer vraiment rouge, dont le niveau dépasse de beaucoup celui de la Méditerranée d'ou l'écluse. Un peu surréaliste ...
Au bout d'un moment (une heure? deux heures? dix minutes?), je me rend compte que je rêve et que je ne suis pas réveillée en fait ! Et je suis surement en train de rater le vrai passage de Suez, comme quand on rêve qu'on se lève le matin pour aller bosser et qu'on rate son réveil (terrible sensation d'ailleurs pour moi, pire qu'un réveil : deux!), je suis sur que ça vous est arrivé !! Du coup, je saute de mon lit, je ne sais même pas si c'est le jour ou la nuit, et j'ouvre mon rideau : des dunes ! A quelques dizaines de mètres, des dunes ! Il fait bien jour et nous sommes dans le canal. 

Du coup j'attrape mon appareil, pas pour faire une oeuvre d'art vue la brume matinale, mais pour immortaliser le moment, c'est bizarre j'ai l'impression d'être à un endroit exceptionnel, ça l'est par bien des cotés mais j'ai vraiment le sentiment de vivre quelque chose d'unique. Le canal de Suez c'est un point sur la carte du monde, tout le monde connaît le nom, l'emplacement, l'histoire, mais le traverser en bateau, c'est plus rare, en tout cas je ne connais personne qui l'ait fait, ni entendu de récit sur sa traversée.

 

 

Les premiers instants passés, je m'organise, je regarde l'heure, il est 7h, j'enfile une veste et un jogging à la va vite et je rejoins le pont. Il y a pas mal de monde et bizarrement je suis surprise (tiens, il n'y a pas que moi qui veut voir le canal?! bah non banane !), je file à tribord, pour voir la côte que je ne vois pas de mon balcon, c'est magnifique. Cette côte est habitée par quelques maisons, il y a des pêcheurs, les palmeraies alternent avec des portions de désert... Je prend plus conscience de l'étroitesse du canal, à cet endroit, pas moyen de faire passer deux bateaux comme le notre.

C'est la première fois que je vois l'Egypte. C'est un des pays qui me fais réver le plus depuis toute petite, et pourtant, je n'y suis jamais allée. Plus jeune, c'était une évidence que dès que je serais en âge de voyager j'irai, et puis quand j'ai enfin pu faire ce genre de voyage, trop tard, l'Egypte, destination touristique, culturelle et pas chère est devenue un pays à éviter. A éviter en tant que voyageuse sac à dos, à éviter quand on a pas envie de rester dans des secteurs précis, à éviter quand la présence militaire et policière nous mets mal à l'aise, à éviter si on veut voyager seule. J'attendrais que ça aille mieux. Les égyptiens ne demandent que ça (pas que je vienne, même si je suis géniale, que tous les touristes et voyageurs reviennent!), en tout cas ceux que j'aimerais rencontrer, ceux qui patissent de cette situation qu'ils n'ont pas demandé. Et je n'ai aucun doute là dessus, un jour, ça ira mieux, et je descendrais la Vallée du Nil, j'irai voir Assouan, la Vallée desRois, les Pyramides...

 

 

 

 

 

 

 

 

En attendant, à défaut de mettre un pied en Egypte, je vois l'Egypte. Et c'est chouette. Une drôle de brume nous entoure, on sent le soleil pas loin, et une drôle de lueure, un peu aveuglante, nous fait plisser les yeux. Il fait froid, je reviens dans ma cabine pour m'équiper un peu mieux. Cette fois je m'habille "pour de vrai" : deux vestes, une écharpe et des chaussettes que je n'avais même pas pris le temps de mettre dans ma précipitationà voir "le canal".
Nous ne longeons pas de ville. Au bord de l'eau, quelques maisons de temps en tant, des pécheurs, des postes de contrôle... Je cours partout sur le pont au début, babord, tribord, devant, derriere... Régulièrement le bateau donne un grand coup de sirene, et je fais un bond à chaque fois!!! Ce qui n'a pas réussi à me sortir de mon sommeil avant sept heure dans ma cabine, est en fait assourdissant sur le pont (bravo l'insonorisation des cabines!), je susaute à chaque fois et je n'ai qu'une envie : me boucher les oreilles. Mais je comprend mieux tout ces "coups de klaxon" : les petites barques de pêcheurs n'ont pas intérêt à se trouver sur notre route! Nous avançons lentement, silencieusement, seul, sur le canal. Donc desfois un bon coup de sirène permet d'être sur que l'embarcation au loin nous a vu et aura le temps de s'écarter.
Sur la rive (à tribord donc, à babord, que des dunes), les enfants se précipitent hors des maisons pour nous faire coucou, les égyptiens nous saluent, je leur répond à coup de grands coups de bras, je ne suis pas la seule, ce qui encourage ceux d'en face. Parfois on entend des "hellos!!!", des sifflements pour attirer notre attention. "How are you" lance un pêcheur. "Viva Italia!" un autre, c'est vrai que notre bateau qui vogue aux couleurs de l'Europe (Blanc, bleu et jaune, et le drapeau), n'en reste pas moins Italien et les navires Costa, représente le pays sur les mers. On a comme une petite haie d'honneur, tout le monde s'arrêtent de vivre et nous salue à notre passage. Un petit "bac" répond même avec humour à notre grand coup de sirène par un "petit" coup de klaxon, très mignon et ridicule à coté de notre vacarme. Un militaire se fait prendre en photo avec notre bateau qui passe derriere lui. Pour eux aussi ça a l'air d'être exceptionnel, pourtant ils doivent en voir des bateaux défiler ! Mais c'est vrai que le notre est immense, une vraie ville sur l'eau, ça change des porte contenneurs...`

 

 

 Comparé à notre grosse sirène, le klaxon de ce bac est trop drôle !

 

 

 How are you !! Hellooooo ! (vu le ton, je ne suis pas sur qu'ils veulent savoir comment on va, juste communiquer et c'est déjà sympa!)

 

 

A côté de moi, une vieille dame toute souriante, fait remarquer tristement "qu'est-ce qu'ils sont gentils!", on échange un regard, on est d'accord. Elle rajoute "... avec tout ce qui leur arrive!" C'est mignon, que cette petite dame touchée par des saluts égyptiens, pense à leur malheur, alors qu'elle ne sait surement pas exactement en quoi il consiste. C'est quelque chose qui m'a interpellée depuis une semaine, tous ces gens qui "voyagent beaucoup" en croisière, mais qui n'ont aucune connaissance de la vie des gens des pays où ils passent. Cela va de la remarque naïve à la reflexion carrément raciste. Parce qu'il n'y a presque pas de chaine télé, ils découvrent euronews et les infos internationnales et les discussions reviennent souvent sur les sujets traités dans la journée, comme la découverte d'une guerre qui pourtant n'est pas nouvelle... Evidemment ce n'est pas le cas de tous mais une bonne majorité des gens rencontrés. En tout cas l'empathie de cette petite vieille dame me met de bonne humeur, l'ignorance ne conduit pas forcément à l'intolérance.

 

 

 

 

 

Moi je continue de prendre des photos, grace à mon nouvel objectif (merci papa Noël d'être passé plus tôt pour moi cette année!), je peux vachement zoomer et voir au loin des petits temples et des enfants qui jouent dans la cour de leur maison... Je peux les voir mais de la à les prendre en photo, avec cette brulme étrange... pas grave, je vis ce moment magique et appaisant, j'en oublie qu'il est très tôt (pour moi!)et que manuit a été courte (5h!)... Je reste comme ça sur le pont 1H30.

Et puis d'un coup, le canal s'élargie, au point de disparaitre, comme si on rentrait directement dans la mer, mais je sais que je ne suis pas encore dans la Mer Rouge, puisqu'il faut environ 10/15h pour y arriver. Je comprend donc qu'il y a un "grand lac" à traverser (le grand lac Amer), ou plutôt qui est traversé par le canal. Du coup, je vais prendre mon petit dej, que je ramène dans ma cabine. On croise pas mal de gros bateaux, ceux qui font le chemin dans l'autre sens. C'est le convoi  "sur/nord".

 

 

 

 

Les gros conteneurs attendent sûrement depuis un moment qu'on soit passé pour repartir vers le nord ! (pensée pour wiwi en découvrant Cosco sur la photo!)

 

 

Au bout d'une heure, le canal "re-rétrécit". De mon balcon , la terre (toujours du sable), se rapproche. Je ne réalise pas que cet immense bras de mer , que je mets 10h à traverser, à été creusé par l'homme. Quand ils ont vu progressivement l'eau s'engouffrer, ça a dû être un truc de dingue quand même.

Dans la matinée, j'entend un bateau mais ne vois rien depuis ma fenêtre. De mon balcon, je comprend mieux, un petit bateau est en train de nous accoster, il y a écrit "pilote" dessus, j'en conclue qu'un des 4 pilotes qui nous aident à naviguer dans le canal va embarquer ou débarquer, ça devait être plus tard mais j'ai peut être mal compris. 3 gars participent à l'abordage. Et puis en fait non, je vois sortir de notre gros bateau un brancard, avec un monsieur tout "emmistouflé" dans une couverture de survie et solidemment attaché, il est conscient et ce n'est peut être rien de grave, mais assez quand même pour se faire débarquer en pleine Egypte. Du coup, j'arrête de prendre des photos. Quand même, descendre tout seul et en mauvaise santé, dur dur.

La route se poursuit, lentement mais surement, sur le canal, très régulier. On sort vers 14h, on entre dans la baie de Suez puis la Mer Rouge.

  

 

 

 

 

 

 

 Je n'ai jamais vu autant de monde sur le pont ! On a tous le regard sur l'extérieur, sur les rives, sur l'Egypte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous voilà dans la mer Rouge, au moyen Orient, entre Afrique et Asie... ça y est j'ai quitté l'Europe...